Electricité/Le Ministre de l’Energie droit dans ses bottes: « ce que nous traversons est la conséquence de nos actions depuis 10 ans »
Le secteur énergétique guinéen est en proie à une crise profonde due à une gestion inadéquate depuis de nombreuses années. Les pratiques inefficaces ont conduit à des pertes financières importantes pour l’État, affectant la viabilité du secteur. C’est pourquoi le ministre de l’énergie a estimé qu’il est impératif donc de réaliser une prise de conscience collective et un engagement patriotique pour remédier à cette situation.
« Les maux tels que la fraude, le non-paiement des factures, l’absence de compteurs à prépaiement doivent être adressés à tous les niveaux. Il s’agit d’une véritable gangrène qui nécessite une action immédiate pour sauver le secteur. Nous sommes en train de travailler sur tout ça, des actions sont déjà en cours, elle touchera tous les secteurs (publics et privés). Il est essentiel de souligner que la Guinée se distingue négativement parmi les pays africains en matière de gestion de l’électricité. Les écarts significatifs entre le coût de production de l’énergie et son prix de vente aux consommateurs témoignent d’une gestion inefficace et non durable. Vous avez un schéma directeur d’une augmentation de 9% de la capacité de production depuis 2018, malheureusement l’état n’y arrive pas, alors que les besoins augmentent tous les jours. On ne peut investir dans un secteur que s’il parvient au moins à résorber son coût d’exploitation avec un appui substantiel du budget annuel. Les barrages de FOMi, Koukoutamba, de Kogbedou constituent de potentiels sources d’énergie quand ils seront réalisés, cependant cela nécessite des moyens. Posez-vous la question de savoir pourquoi à date nous n’avons aucune centrale solaire ? C’est parce que les promoteurs se posent suffisamment de questions vu qu’il s’agit de BOT. Ils sont censés nous revendre l’énergie entre 7 à 8 cent le kilowattheure pour que EDG puisse le commercialiser à 3 cent. Ce n’est pas une garantie d’un contrat d’achat d’énergie. Vous avez la centrale de Tè power à la Tannerie de 50 mégawatts qui vend l’énergie à EDG à presque 22 cent pour être revendu à 3 cent. C’est tout comme Souapiti et Kaleta aujourd’hui qui varient autour de 12 cent le kilowattheure avec une indexation chaque année, qui depuis leur mise en fonction est revendue à 3 cent. On s’étonne que nous n’arrivions pas à investir dans le secteur, qu’on n’arrive pas à couvrir les besoins énergétiques. Et mieux ce peu d’énergie est frauduleusement consommé à plus de 50% par les consommateurs. Nous sommes conscients qu’il y a des problèmes au niveau de la gestion de EDG, mais les bénéficiaires ne sont pas des libériens, ce sont nous les guinéens. S’il y a corrupteur, c’est que forcément il y a un corrompu. Avec seulement 27% des clients équipés de compteurs de prépaiement et une estimation de 400 000 abonnés clandestins, soit près de 10 millions de dollars de pertes sur chaque période de facturation. L’Etat achète le kilowattheure en moyenne entre 1600 à 2000 GNF pour être vendu aux consommateurs entre 100 à 300 GNF. Nous ne sommes pas un pays producteur de pétrole ou de gaz à date donc que les choses soient claires, l’électricité sera payée au prix coûtant dans les prochains mois », a-t-il promis.
Il est clair que des réformes drastiques sont nécessaires pour assainir le secteur et assurer une distribution équitable de l’électricité. Et la sensibilisation ne manquera pas, assure Aboubacar Camara.
« Les gens seront informés, accompagnés et mis en demeure mais le changement est inévitable. Nous ne sommes pas ici pour mentir à quelqu’un, il s’agit d’un problème sérieux. Si nous prenons le montant en termes de subvention par an, presque 400 millions de dollars par an, de 2020 a maintenant c’est presque un milliard six cent millions de dollars américain qui ont été engloutis en termes de subventions et pour quel résultat ? On aurait pu construire des infrastructures (route, hôpitaux) renforcer nos centres de formation professionnelle, accompagner les associations de femmes, accompagner l’entrepreneuriat jeune à travers la mise à disposition des fonds. Malheureusement aujourd’hui, nous nous plaignons de tout cela sans savoir que nos comportements constituent le véritable obstacle pour apporter ces solutions. Il est temps de mettre fin aux pratiques nocives et de reconnaître que l’électricité est une ressource essentielle pour le développement économique. L’autocritique est nécessaire pour un changement durable, et il est primordial que tous les acteurs, des fournisseurs aux consommateurs, s’engagent à une gouvernance transparente et responsable. L’union des consommateurs qui reste souvent critique vis-à -vis du délestage doit jouer son rôle aussi dans la réforme du secteur à l’instar de leur homologue de la sous-région. Ils seront parties prenantes de ces réformes, personne ne sera laissé pour compte. À titre d’exemple, nous importons de l’électricité au Sénégal à 1800 le kilowattheure pour être vendu ici à 300 GNF. C’est bien de rester à l’autre bout du monde et dire qu’il n’y a pas d’électricité, mais ceux-ci savent à combien leur revient leur facture d’électricité dans ces pays. Il faut de l’honnêteté si nous voulons sortir définitivement de la crise. Nous avons un déficit de près de 1000 mégawatts, nous avons des opportunités pour raccorder toutes les sociétés minières qui vont apporter du jus dans nos recettes publiques mais avec quels moyens ? », s’interroge Aboubacar Camara.
Il ne fait aucun doute donc que des sacrifices seront exigés pour redresser la situation.
« L’électricité doit être gérée de manière efficace en tant que produit marchand, en valorisant sa contribution à l’économie nationale. Comparaisons avec d’autres pays, soulignent l’urgence d’agir et de changer notre approche pour garantir un avenir énergétique stable et profitable pour tous en Guinée. », a conclu le ministre de l’Energie, Boubacar Camara.
Nenen Bah pour lunique360.com